Une seconde jeunesse pour Serigne M'Baye Gueye ?
Souvenez c'était il y a à peine un an, Sérigne M'Baye Gueye alias Disiz et anciennement Disiz la Peste nous livrait son dernier album : Disiz the end. Lassé du devenir de l'industrie du rap, le lascar décidait de tout plaquer et expliquait son choix tout au long d'un album plus que bon. Mais, en réalité ce dernier album n'est que le dernier de Disiz, mais pas de Sérigne M'Baye Gueye. Et oui, dans les dernières secondes de l'album, on pouvait entendre un nouveau personnage faire irruption dans le paysage musical français : Peter Punk. C'était officiel (ou presque) , l'ex-MC a en réalité décidé de changer d'air et de se lancer dans l'électro/rock. Semblant oublié que l'habit ne fait pas le moine (encore moins l'artiste) , la transformation passe par un changement de style vestimentaire remarquable, passant du baggy au jean slim. La métamorphose est donc complète, il s'agit maintenant de savoir si on a là un vrai changement ou juste un coup marketing. Dans le ventre du crocodile est là pour répondre à nos trop nombreuses interrogations. Est il réellement possible de faire autre chose que du rap quand on y a consacré de nombreuses années de sa vie ? Sérigne est il vraiment capable d'exceller dans un style si différent de son hip hop ? Cet album peut il contenter ses fans de la première heure où est il destiné à un nouveau public ? J'essaierai tant bien que mal à répondre à toutes ces questions cruciales.
Dès la première écoute on se rend d'abord compte d'une chose : Peter Punk ne s'est pas encore complètement défait du rap comme l'atteste le fait qu'il rappe bien plus qu'il ne pousse la chansonnette (bien que l'artiste semble en mesure de le faire parfaitement) . Son flow n'a d'ailleurs pas beaucoup changé. Ensuite, l'artiste semble apaisé et en parfaite harmonie avec son nouveau style, fini le Disiz mélancolique et déçu, place à un Peter Punk qui semble comblé.
Musicalement, ce disque est un OVNI, ce n'est plus du rap, pas encore complètement du rock et pas vraiment de l'électro. Non, c'est un cocktail explosif de tout cela, concocté par Peter Punk et Diesel, l'architecte sonore de ce disque. Musicalement, c'est assez hétéroclite tout en gardant une certaine cohérence tout au long de l'album, on démarre avec une mutation aux inspirations africaines à une track plus électro comme Dans le ventre du crocodile, ou à des chansons plus rock Yeah Yeah Yeah ou encore le très explosif Jolies Planète. Trans-Mauritania, elle arrive à être entièrement rock tout en étant inspiré de sonorités africaines. Paradoxe, la seule chanson qui n'est pas l'oeuvre de Diesel, mais du guitariste Kyle n'enlève rien à la cohérence de l'album..
Les thèmes ne sont plus du tout les mêmes, pourtant textuellement pas de révolution, l'écriture est tout aussi soigné que précédemment, quoi que peut être un peu plus poétique dans certains aspect comme l'atteste l'excellent Je t'aime, mais je te quitte sorte de rupture avec la France magnifiquement mise en scène qui peut être vu comme une réponse à la fameuse formule « La France tu l'aimes ou tu la quittes ».
On retiendra outre tout ça l'OVNI problème XXX, le très métaphorique Faire la Mer et le très calme et poétique Luciole.
Bref que retenir de ce virage à 360° de Sérigne ? Déjà qu'il ne s'agit pas d'un virage à 360° mais seulement à 180°, car finalement bien que libéré de tous les codes de cette musique Peter n'a pas réellement quitté le rap, mais l'a dépassé. On regrettera le manque de buzz autour de cet album qui le mérite. On regrettera aussi le manque de prise de risque vocal, l'ex-rappeur ne se permettant que rarement de chanter réellement et préfère garder son flow d'antan. Les fans de la première heure vont ils suivre ? On ne doute pas que ce changement en déroutera plus d'un, mais, on ne doute pas non plus qu'une partie restera car la qualité est toujours présente et il y aura même certainement de nouveaux conquis même si le manque de buzz autour de cet opus constitue un réel handicap en vu de cet objectif.
Reste que sans être révolutionnaire cet album amène un grand bol d'air frais dans le monde de la musique française.
15/20