Le retour du Boulogne Boy !
Moins d'un an après son dernier projet, C.V. , Salif nous prouve qu'il sait être très actif, avec la sortie de son nouvel album, Qui m'aime me suive. Salif n'est pas un nouveau dans le game, il a déjà prouvé que ça soit en solo, avec son groupe Nysay, ou avec l'ancien IV My People de Kool Shen de quoi il était capable. Doué techniquement que ça soit au niveau du flow ou de l'écriture, le MC est souvent critiqué en raison d'un changement de style opéré ces dernières années... Vraie moins-value artistique ou simple réticence à l'égard du changement des fans de rap français ? Surement un peu des deux ! L'artiste nous revient donc quelques mois après un échec artistique sans aucun featuring, on aura donc droit à du Salif et seulement du Salif, alors à quoi s'attendre pour ce disque ?
L'album commence fort avec Statu Quo qui installe directement l'ambiance, le Boulogne boy remet les pendules à l'heure avec ses homologues rappeurs et remet en cause leur authenticité (« Les MC's sont bons qu'à taper à raconter vos vies/ T'as rien fait dans l'ghetto et t'y feras jamais rien car t'es qu'une grosse dalepé. » « Les mecs ,on fait du rap ou du cinéma ? ») . S'ensuit Banlieue française, introduit comme il le faut par M. Sarkozy en personne et conclue aussi brillament par M. Zemmour. L'ambiance est encore très bonne, mais on peut regretter que si les discours de début et de fin de notre président et de notre chroniqueur préféré (sic) transpirent les clichés, le texte de Salif ne se distingue pas énormément dans ce registre. Les tracks suivantes, Ouais mon pote et La zermi ne se distinguent pas plus que ça, sans être mauvaises, elles sont loin d'être bonnes... Jean Slim avec un thème original : le changement de style vestimentaire des lascars, du baggy au slim se révèle sympathique et décalé, tant lyricalement que musicalement, entre beat synthétique et autothune (combinaison qui se révèle plus fructueuse que dans pas mal de ceau-mor actuels) .
On retombe sur du plus classique de la part de Salif avec Assurance Hebs chanson parlant de l'illicite en cité, de manière réaliste. On Allume musicalement rejoint le morceau précédant, du 100% street, sur un thème plus égotrip. Le flow entrainant du morceau collant très bien au beat, pleins de variations parfaitement maitrisées est le principal attrait du son, gros bémol du titre : l'écriture reste assez simple. Ensuite, l'artiste n'hésite pas à nous faire passer à une ambiance plus reggae sur Bif Love & Unity, instrumentale posée, refrain chanté, en dépit d'un thème courant dans le rap e des lyrics assez faible, on aime la prise de risque musicale. On arrive ensuite sur ce qui est surement la chanson emblématique du skeud avec Salif vs Salif, l'un des meilleurs égotrips de ces derniers temps. Le beat nous glace le sang, notamment grâce à l'apport de la guitare, le flow frôle la perfection et les phases sont à la hauteurs, avec un Salif qui combat face à lui même. Ce son nous amène sur la seconde partie de l'opus magnifiquement.
Jamais sans mes chaines et son refrain chanté et son dernier couplet autothuné, nous parle de la solitude de l'artiste. O.D. sonne comme une plainte solitaire au beat rock où le lascar n'hésite pas à pousser encore la chansonnette. ''Plainte solitaire'' une expression qui irait bien à Prison de Vers bâti musicalement comme le précédant morceau, mais surement plus personnel lyricalement (« J'suis prisonnier et mon cœur est imprégné de haine, dans ma prison de vers/ J'ai tant prié et la solitude à pris les rennes dans ma prison de vers » nous rappelle le refrain) . Changement d'atmosphère textuelle et musicale avec J'aime pas les clubs au titre très évocateur, qui paradoxalement musicalement passerait bien en club ! On rechange avec Nostalgie du block, qui nous offre un joli moment d'émotion, chacun d'entre nous pourrait se voir dans ce son. La chanson éponyme, Qui m'aime me suive reste dans un délire rock, un thème bien ficelé (l'authenticité du rappeur) , une bonne instru et un flow bien géré, surement l'une des tracks emblématiques de ce skeud. On reste un peu dans le même thème avec la conclusion de l'opus, L'homme libre, un ceau-mor assez mélancolique où le MC nous fait une mini-autobiographie. Voilà une manière intéressante de conclure cette album très personnel.
Finalement cet album qu'on aurait pu penser bâclé se trouve être meilleur que son précédant. Certes tout n'est pas parfait loin de là, mais l'artiste semble avoir voulu se renouveler et on ne peut qu'apprécier. Outre un renouvellement niveau thème, il y a une envie d'innover musicalement qui est plus que louable, dans un rap game où les artistes semblent plus vouloir être dans l'air du temps que de vouloir amener quelques chose de nouveau. Le flow quand à lui a su rester aussi affuté que sur les derniers projets. Mais tout n'est pas parfait, je vous l'ai déjà dit et on en est même très loin : l'écriture reste assez simple et bien en dessous de ce qu'il a fait dans sa première galette, quelques sonorités passent mal et quelques morceaux n'apportent absolument rien à l'album. On pourrait aussi regretter l'absence d'un ou deux grand featuring de qualité, mais mieux vaut ça plutôt que de noyer l'album d'invités tous plus inutiles les uns que les autres. Bref, cet album mérite au moins une oreille attentive, mais on attend bien mieux de Salif !
13/20
